La Gomera : l’île ronde : 5ème escale aux Canaries
Après le Sud de Tenerife et ses gigantesques villages de vacances, énormes pompes à fric, ne laissant guère de place aux cultures canarienne et espagnole mais plutôt allemande et anglaise (il suffit de parcourir les rayons d’un supermercado pour s’en rendre compte : multitude de saucisses et gelly’s de toutes les couleurs), le 28 février au matin, nous levons l’ancre et partons vers une des plus petites îles canariennes : La Gomera.
C’est une île ronde qui a 25km de diamètre, 24.000 habitants vivant dans 6 villages, 2 routes principales (pas possible de se perdre) et qui vit principalement de l’agriculture : bananes et fruits tropicaux et multiples petites terrasses et jardins permettant aux insulaires de vivre en autarcie.
Une fois de plus, cette île est marquée par l’empreinte de Christophe Colomb puisque c’est ici que vivait sa maîtresse : Beatriz de Bobadilla et qu’il y embarqua l’eau pour sa traversée. Selon le folklore local, il aurait « baptisé » l’Amérique avec celle puisée dans un de ses puits. Lieu mythique donc pour tous ceux qui se préparent à « La traversée « en suivant la route ouverte par Colomb il y a 520ans.
Ile où on ne peut arriver que par bateau ou par petit avion de ligne intérieure à la capacité limitée et donc de ce fait très préservée du tourisme.
Après un début de traversée au moteur, le vent se lève assez vite et c’est sous génois et trinquette que nous parcourons les 23 Milles nous séparant de Tenerife.
Le dépaysement est total, nous mouillons dans une baie sauvage, entourés non plus par des buildings mais par des falaises impressionnantes où la roche a été sculptée par l’érosion.
Que dire ? Nous y vivrons d’abord 6 jours dans des mouillages superbes et plus sauvages les uns que les autres, entourés par des falaises rudes et escarpées, bercés par le chant de la mer ramenant les galets sur la plage, quasiment hors du monde et du temps.
Comment se passent nos journées ? Elles filent toutes plus vite les unes que les autres : lecture sur le pont sous la caresse du soleil, vie quotidienne (préparation des repas, confection du pain, entretien du bateau, échanges avec l’équipage de Tavéac…) et observations : goélands plongeant sans raison sur l’eau et puis nous apercevons des dauphins qui sont là, près de nous, dans la baie. C’est apparemment leur lieu de vie car nous les repérerons 3 fois au même endroit, à des moments différents,
Un soir, c’est apparemment un chant d’oiseau mélodieux et strident qui nous captive. Cherchant son origine, nous découvrons à flanc de falaise un berger ramenant ses moutons et en portant même un sur les épaules. En fait c’est lui qui émet ce langage qu’ici on appelle le silbo.
Sentiment aussi de remonter dans le temps et de nous retrouver à la période de la préhistoire lorsque nos ancêtres vivaient dans des grottes. En effet, dans certaines falaises, l’érosion a creusé des grottes et le matin nous voyons en sortir des hommes et femmes nus, vivant la journée au bord de l’eau. Le soir, ce sont des feux qui illuminent la nuit à différentes hauteurs des falaises.
Ile à l’atmosphère très particulière donc qui nous a offert ces cadeaux sans prix.
Après ce bain de nature, nous prenons la direction de l’unique port de l’île, celui de sa capitale San Sebastian où nous laisserons Manéa pour pouvoir découvrir La Gomera de l’intérieur.
San Sebastian est une petite ville agréable, aux places ombragées et qui se parcourt aisément à pieds.
Nous louons une voiture et le premier jour nous sillonnerons la route de droite et le second celle de gauche.
Elles ont en commun de grimper rapidement et d’avoir de nombreux virages. Plus ça monte, plus la végétation devient exubérante et luxuriante en raison de l’humidité ambiante apportée par les alizés. Les troncs sont envahis par la mousse, les fougères sont géantes, les lauriers atteignent une hauteur de 10m.* Sur la route, nous rencontrons parfois des mers de nuages formés par les alizés se heurtant aux crêtes. Nous nous arrêtons régulièrement aux nombreux « mirador » (= point de vue) prévus et contemplons. Ile tout en montagnes russes forgées par les volcans et sculptées par l’érosion .
Dans le sud, région la plus ensoleillée, alternent montagnes brûlées vallées de bananeraies luxuriantes, côtes rocheuses austères et plages de sable noir.
La plus impressionnante de ces vallées est celle de Valle Gran Rey : ravin aux allures d’amphithéâtre où au fur et à mesure de la descente dans le canyon, les falaises arides laissent place à de nombreuses petites terrasses verdoyantes parmi lesquelles s’éparpillent des habitations d’un blanc immaculé et ce barranco se termine par une palmeraie exubérante. C’est là, que Jacques observera les seaux qui récoltent le suc de palme avec lequel les insulaires fabriquent le « miel de palma » qui est en fait la sève de palmier récoltée et puis chauffée, un peu comme le sirop d’érable.
Après ces 4 jours passés à bon escient au port (un coup de vent est passé ) nous repartons à nouveau pour ces mouillages dont nous ne nous lassons pas. Celui situé à la sortie de Valle Gran Rey est impressionnant par la majesté de ses falaises. Dans le petit port règne une atmosphère bon enfant, les vieux pêcheurs passent leur journée à jouer aux dés mais surtout il y a beaucoup d’hippies et de « baba-cool » jeunes ou plus âgés.
Le soir, cela nous amène à des réflexions plus philosophiques sur les besoins, le fait d’être marginal, la liberté des choix, la solidarité, la responsabilité…Nous ne vous « tannerons » pas avec celles-ci mais si vous le souhaitez nous les partagerons avec vous lors de notre retour ou par mail interposé.
Demain, nous avons quitté cette belle île préservée, (pour combien de temps encore?), pour voguer vers notre dernière escale aux Canaries : l’île de Palma.
Nous n’irons pas à El Hierro, la plus petite des Canaries car depuis octobre 2011, un volcan naît dans la mer face à elle et la navigation y est très déconseillée si pas interdite certains jours.
En route donc pour la dernière découverte avant de prendre le chemin du retour.
A bientôt
* A l’heure où nous publions ces notes, tout ou presque est hélas, parti en fumée