Le moussaillon monte en grade
Lors du récit de notre dernière tranche de vie, je vous avais quitté en vous faisant part de mes doutes, craintes, par rapport au stage de voile où je m’étais inscrite.
Voici donc pour vous en exclusivité le récit de cette semaine.
Samedi 17 avril
Levés tôt nous partons pour Bandol ( port situé sur la Méditerranée entre Cassis et Toulon ) car c’est là que moussaillon Framboise embarque.
Les explications pour le lieu du RV sont claires, nous trouvons le ponton, rencontrons d’autres néophytes, un peu paumés comme nous. Ils sont montés à bord d’un voilier sur lequel était déposé un carton portant simplement le nom de l’association organisant le stage “France Voiles Loisirs”. Patiemment, nous attendons en faisant connaissance (peut-être est-ce une tactique pour créer les premiers liens?) et une heure se passe....Et toujours aucun skipper à l’horizon. Pourtant le nom du bateau ne correspond pas à celui envoyé par courrier, et finalement à force d’arpenter les pontons nous trouvons le bon bateau pour notre embarquement, il était amarré par l’avant, nom et skipper invisibles. C’est ainsi que nous découvrons qu’il y a 2 groupes: les débutants (comme moi) et le 1er niveau de perfectionnement. Chacun embarque donc où il doit et je dis au revoir à mon homme. Dur, dur, car depuis septembre nous sommes toujours ensemble.
Voici la présentation de l’équipage: skipper: Gérard Provaux
moussaillons : Michèle et Michel Constant
Didier Souhami
Françoise Wauthier.
photos de l'équipage (manque le photographe. Le super emmitouflé est le skipper originaire de Marseille et hyper-frileux)
Nous serons donc 5 à partager cette semaine sur le Rio, Sun Fast de 32 pieds (= + ou – 9m 50), ce qui ne me change pas de l'Attalia de l'an dernier. Les cabines sont vite réparties, le couple Constant dans celle d'avant, Didier et moi dans la cabine arrière et Gérard dans le carré. Nous nous y installons.
Nous débutons notre initiation. A partir d’une liste type nous devons retrouver les différents éléments indispensables à la sécurité d’un bateau en notant les endroits où nous les avons découverts (ex: harnais de sécurité coffre 1 à bâbord...) et lorsque nous ne savons pas ce que c’est, nous posons la question.
Ensuite c’est le moment tant attendu, il est 16h03, nous appareillons pour découvrir le b.a. ba de la voile dans la baie de Bandol avec les termes adéquats: ex: écoute, drisse, pataras, border, choquer, mouiller...
Border une voile = tirer sur celle-ci
Choquer une voile =lâcher celle-ci
Après 1h et demie de travail ( nous nous exerçons les uns après les autres), nous rentrons au port pour effectuer l’avitaillement (= courses ). Ce sont évidemment les femmes qui s’y collent puisque elles ont tant d’idées pour les menus! Les autres équipiers sont tous français, parisiens ou marseillais pour le skipper.
Après avoir dévalisé le Super U (nous partons quand même 6 jours en mer), nous rentrons préparer le repas du soir qui se compose de poulet cuit, salade et chips!!! (c’est à ce genre de détails que l’on se rend compte que même si nous parlons la même langue, nous n’avons pas exactement les mêmes moeurs). Rassurez-vous, je suis sérieuse et je n’en mange pas. Trop salé!
Ensuite soirée papote et nous nous couchons.
Ma nuit sera très mauvaise car Didier s’endort à peine couché (il bat mon record) et il ronfle, pas qu’un peu...De plus, je dors dans la couchette cercueil et je n’ai pas beaucoup d’espace, mais bon je m’habituerai vite!
Dimanche 18 avril
Les choses sérieuses commencent!!!
Après un petit-déjeuner copieux et la préparation du repas de midi, nous nettoyons le pont et quittons au moteur le port de Bandol à 9h55.
Une fois celui-ci arrêté, nous apprenons à hisser la grand-voile. Manoeuvre répétée plusieurs fois jusqu’au moment où il n’y a plus d’erreur. Heureusement il n’y a pas trop de vent. Nous mettons le cap sur l’île de Porquerolles et nous barrons chacun à notre tour.
Après le passage de la balise des Magnons et de l’îlot de la Covelle, nous choquons le foc.
A l’approche du Cap Sicié, nous apprenons à virer de bord, à nous rapprocher du vent (=naviguer au près). Impressionnant car parfois le bateau gîte (= penche) très fort. Le but de la manoeuvre est de nous faire prendre confiance et de bien sentir le vent. N’empêche, je ne suis pas toujours rassurée et parfois je crie comme dans les attractions à Walibi!
A 13h 15, nous roulons le foc et amenons la grand-voile pour mouiller dans l’anse de Fabregas et pique-niquer, ce sera assez chahuté car il y a pas mal de clapot mais l’endroit est joli. Après une petite sieste, après avoir à nouveau hissé les voiles nous repartons vers Porquerolles où nous arriverons vers 18 h après avoir encore et encore barré. C’est sous le fort de l’Alycastre, au bord de la plage du même nom que nous mouillerons. L’endroit est très sauvage, rien à voir avec l’été, nous sommes seuls, coucher de soleil magique. Préparation du repas: chipolatas, petits pois et carottes, et puis bien sûr le fromage! Ensuite, Gérard nous montre comment faire la vaisselle en mer: amener celle-ci dans le cockpit, prendre un seau d’ eau de mer et y ajouter du produit vaisselle, procéder au nettoyage, rincer avec de l’eau douce ( et laisser sécher sur le pont. Il n’y a plus qu’à ranger!!! Après notre 1ère journée au grand-air et au soleil nous sommes assez fatigués et il ne faudra pas nous bercer.
Lundi 19 avril
Notre nuit n’a pas été très bonne. A 4 h, Mickey (surnom donné à Michel le mari de Michèle) a bouché les chiottes. Il n’a pas suivi les conseils pratiques de Gérard de ne pas y jeter le papier et conclusion à 7 h celui-ci débouche la 1ère chiotte de sa saison. Inutile de dire que l’humeur s’en ressent!
Après le petit déjeuner, la préparation de la salade de midi, nous levons l ’ancre sans moteur, cap sur l’île de Port-Cros, réserve naturelle, un des 7 parcs nationaux français, où les amoureux de la nature et des oiseaux sont comblés: située sur les itinéraires migrateurs entre l'Europe et l'Afrique c'est une étape de prédilection pour plus de 120 espèces d'oiseaux migrateurs dont une trentaine sont nicheuses .
Le vent est à l’ouest de force 3 à 4 et nous naviguons au grand largue (vent reçu de ¾ arrière), allure beaucoup plus agréable qu’au près. Nous prenons un ris c’est à dire que nous diminuons la voile d’une partie de sa surface, exercice que nous faisons chacun notre tour et cela me demande de l’équilibre pour ne pas passer par dessus bord . Nous virons encore et encore de bord face au vent. C’est là que les paroles de “ Santiano” “ Pare à virer, les gars faut y aller” prennent tout leur sens puisque nous répétons maintes et maintes fois cette phrase. Parés à virer? Parés répondent les équipiers, je vire dit le barreur et parfois je suis pertubée par ce changement de cap : je ne sais plus très bien où je suis. De plus, vous savez que ma latéralisation n’est toujours pas acquise alors quand le skipper dit bâbord, je dois traduire gauche et puis seulement trouver où est ma gauche, ce qui parfois prend plus de temps que nécessaire. Si en plus, je vous dis que la barre franche me donne l’impression de fonctionner à l’envers (pour virer à tribord il faut pousser la barre à bâbord), vous imaginez la surchauffe de mes neurones qui traduisent toutes les informations reçues dans le langage populaire! Mais bon, je me concentre et commence à me détendre car il paraît que l’on commence à voir mes dents quand je barre selon mes équipiers. Mais fin de journée, je suis crevée!
Après le passage du Bagaud, nous mouillons dans l'anse de Port-Man pour notre repas, le vent se lève, passe à force 5 à 6, est trop fort pour repartir et donc jusqu'à + ou -16h Gérard nous occupe avec de la théorie sur les balises et les noeuds.
Il existe des balises cardinales càd des balises concernant les points cardinaux par secteur. Il y a aussi des balises latérales qui indiquent de quel côté entrer dans un port: en Europe lorsque l'on rentre dans un port on laisse à tribord la balise verte et à bâbord la balise rouge .
Dans l'hémisphère sud, c'est l'inverse.
Chacun notre tour nous apprenons les noeuds de chaise, cabestan, demi-clé, de capucin et nous nous entraînons les refaisant inlassablement encore et encore.
Finalement, vers 16h30, le vent mollit un peu et nous pouvons appareiller, nous effectuons des virements multiples, apprenant encore et toujours à barrer au près et surtout au près serré. Gérard me conseille de moins réfléchir et de laisser aller mes sens: c'est avec mes oreilles que je dois sentir le vent; sa réflexion m'en rappelle une autre, celle d'Ingrid qui m'a appris à nager et qui m'a dit elle aussi que j'étais trop intellectuelle, que je ne me laissais pas suffisamment aller, que je n'étais pas assez instinctive.
C'est vers 18 h que nous mouillons pour la nuit sur bouée dans le port de Port Cros; Celui-ci n'est pas profond, + ou - 2m d'eau en bordure du ponton et notre bateau a 1,95 m de tirant d'eau (nous frotterons d'ailleurs sur le fond et le bateau s'en sortira car nous le faisons tous pencher d'un côté), c'est pour cela que nous mouillons sur bouée car là il y a un peu plus de profondeur. Après un bon repas (des pâtes!) nous nous couchons fatigués par le vent et le soleil.
Le joli petit port de Port Cros
MARDI 20 avril
La mer est belle et superbe, couverte de brume signe de beau temps.
A 8h45, nous quittons Port Cros pendant que Gérard, nostalgique de l'éducation reçue dans un collège privé nous chante des cantiques.
Aujourd'hui, les prévisions météo étaient fausses car elles annonçaient du vent et à 13h nous n'avions parcouru que 12 milles( un mille =1852m), mais bon vu le vent nous avons fait ce que nous avons pu ! Nous dînons dans la splendide baie du Langoustier à l'île de Porquerolles et puis nous rentrons direction le port de Bandol où trahis par la météo nous parcourons les 6 derniers milles au moteur. Vent à 0 noeud...Gérard en profite pour nous initier au positionnement, relevé des cartes à l'aide d'un compas de relèvement et de la règle de Cras. Il explique au 1er moussaillon qui s'exerce et puis doit lui-même l'expliquer au second et ainsi de suite. je ne suis pas mécontente de moi, je n'ai pas perdu toutes mes capacités pédagogiques car lorsqu'à mon tour j'explique à Mickey, il comprend et sait réaliser son exercice..
Aujourd'hui, le proverbe du jour était: "pour barrer bien, barrer plein" (proverbe breton)..
MERCREDI 21 avril
Nous sommes réveillés aux aurores par notre skipper qui ne tient pas en place mais nous lui pardonnons car il est allé nous chercher croissants, pains au chocolat et baguettes craquantes. Le temps est superbe et nous allons prendre une bonne douche au port (850 m entre notre bateau et les sanitaires, il ne faut donc pas être pressé! )
Nous appareillons à 10 h et prenons le cap de Marseille. Sur terre, c'est là que Gérard habite et donc tout au long de cette journée il ajoutera à ses compétences celle de guide touristique avec ses commentaires perso sans oublier son côté hâbleur et galéjeur digne de tout marseillais qui se respecte !
Nous doublons l'île de Bendor, la Ciotat, visitons les calanques de Cassis qui sont entourées d'une écharpe de brume, et apercevons de nombreux randonneurs les parcourant, quelques courageux s’exercent aussi à la varappe le long des falaises en surplomb sur la mer. Tous doivent avoir chaud car c’est de la pierre calcaire (et donc blanche) et elle doit donc réverbérer le soleil.
Les calanques et leur eau couleur turquoise
Nous abordons la région marseillaise en longeant quelques îles : Riou (très réputée pour ses sites de plongée et où l’on trouve encore du corail rouge et de nombreuses épaves, c’est probablement près d’elle que Saint Exupéry s’est abîmé en mer : en 1988 un pêcheur a trouvé une gourmette à son nom sur le site) , îles de Tiboulen et Maïre, réputées pour leurs possibilités de pêche sous-marine. Une fois celles-ci franchies, nous sommes dans la rade de Marseille où nous voyons l’île du château d'If célèbre grâce à Alexandre Dumas qui y a emprisonné les héros de ses romans : le Masque de Fer et le Comte de Monte-Cristo, les îles du Frioul . Les plages bordent la ville et nous voyons de nombreux gamins plonger dans la mer du haut des rochers en se mettant au défi. Pour entrer dans le Vieux Port nous baissons les voiles, car Gérard veut me montrer le Quai des Belges : lieu du marché quotidien aux poissons typiques des fonds de roches tout proches : rascasses, rougets, girelles, gallinettes…y sont vendus à la criée avé l’assent et la « tchatche ». Il se situe au bout de la Canebière. Deux forts gardent l’entrée du port. Il nous commente les différents monuments que nous longeons, le fort Saint-Jean et celui de Saint Nicolas, nous expliquant qu’à la demande de Louis XIV, les canons ici n’avaient pas pour objectif principal de défendre la ville mais qu’ils étaient tournés vers elle et non vers la mer pour mieux maîtriser ses révoltes ! Tout au long de notre visite nous admirons Notre Dame de la Garde qui domine la ville et la garde si bien. Autour du vieux port, beaucoup de terrasses et on peut se rendre d’une rive à l’autre de celui-ci par le célèbre « ferry-boat » qui a malheureusement été remplacé par un autre plus moderne
.
Ne pensez pas que nous n'avons fait que du tourisme, non, en parcourant ces 33 milles nous nous sommes encore et toujours exercé à barrer, hisser les voiles mais trahis une fois encore par le vent en fin de journée, nous avons terminé au moteur. C'est dans le port du Frioul que nous mouillerons sur bouée pour la nuit. La vue est magnifique: Notre -Dame de la Garde s'illumine dans le soleil couchant, nous sommes au calme, petit bout de paradis .Cette découverte rapide de la ville nous laisse un petit goût de trop peu, sûr je reviendrai et visiterai cette ville portuaire au riche passé et si bouillonnante de vie. Aux dires de Gérard ici les prix de l’immobilier ont grimpé, effet TGV, car beaucoup d’entreprises y ont délocalisé leurs bureaux parisiens.
Jeudi 22 avril
Une fois encore c’est à l’aube que notre « discret »skipper nous réveille : dès 6h30, il quitte notre emplacement de mouillage et nous promène dans le port comme si nous y arrivions pour ne pas avoir à payer notre emplacement. Cela nous vaut d’assister à un splendide lever de soleil. Après 1h de ronds dans l’eau, à l’arrivée du personnel portuaire , nous nous amarrons à quai comme si nous arrivions uniquement pour prendre de l‘eau ( ne pas oublier que nous sommes à Marseille , le personnel ne travaille pas trop et leur devise pourrait être « pas trop vite le matin et doucement le soir », sans oublier la sacro-sainte sieste !!!) Après un bon petit déjeuner et la préparation du repas de midi comme chaque jour, nous appareillons pour rentrer à Bandol, mais aujourd’hui ce sera moins rigolo car le vent est contraire et nous naviguerons toute le journée au près serré en tirant des bords, virant de bord car le vent change sans cesse et nous devons régulièrement nous éloigner vers le large pour avoir un peu de force venteuse, nous ne nous arrêtons pas pour dîner, barrons chacun à notre tour. Lorsque je suis à la barre et vire de bord il m’est arrivé « d’empanner » càd faire passer la bôme d'un bord sur l'autre pour virer de bord vent arrière
Si bien que le soir, mes équipiers évoquant le menu, parlerons de « filets de Françoise empannée ».
Ce retour a été dur, partis à 8h45 nous arriverons à Bandol à 19h30, après avoir parcouru 44 milles et demi càd une fois et demie la route de l’aller. Ceci est dû au fait que nous sommes obligés de tirer des bords pour avancer. Nous allongeons donc notre route et Gérard me dit que mes « sinusoïdes » s’améliorent, sont plus petits.
Nous sommes crevés à l’arrivée, fatigués par le vent et le soleil.
Vendredi 23 avril
Dernier jour de stage, aujourd’hui nous ferons uniquement des manœuvres au moteur dans le port, nous entrainant pour l’amarrage, la pompe à essence, la marche arrière.
Après tous ces exercices, où Gérard brille encore par son côté provocateur ( petit exemple : je suis à la barre m’exerçant pour aller m’approvisionner en carburant, pompe située à l’entrée du port et à côté de la capitainerie, lieu de passage très fréquenté donc et je me concentre ) pendant ce temps donc Gérard pris d’un besoin urgent se déboutonne et pisse de l’arrière du bateau dans le port au vu et su de tous. Difficile d’être concentrée dans un cas pareil ! Ensuite nous bouclons nos sacs, nettoyons le bateau et le pont. Tous les moussaillons s’y mettent mais notre skipper vérifie et fignole tout derrière nous : il est même venu avec son époussette et son produit pour les bois!
Durant cette semaine nous avons parcouru plus de 150 milles à la voile, utilisé le moteur durant une dizaine d’heures, avons été gâtés par un temps splendide où le soleil était toujours au rendez-vous sauf vendredi où il a plu un peu, découvert des coins superbes sans la foule des touristes, vécu au rythme de la nature .
Pour ma part je me suis familiarisée avec les termes et éléments d’un voilier, j’ai expérimenté et je sens davantage les choses, le stage a été sportif et je perçois davantage ce qu'est un voilier et sa navigation. Je serai certainement plus apte à aider Michel à la manoeuvre cette année. Mais heureusement que l'an dernier, Michel m'a fait découvrir en douceur les charmes de ce genre de vie et qu'il n'a pas la même conception pure et dure de la voile comme notre skipper car je crois qu'alors je me serais encourue, ce qui aurait été dommage car c'est une vie qui, par son absence de monotonie, me plaît énormément.